La brume légère du matin flottait au-dessus des eaux calmes du Long Lac lorsque Le Fougueux, sous la main experte de Gwina, accosta à Walburgh. Les lourdes réparations enfin achevées, le groupe d’aventuriers reprenait la route vers leur nouvelle destination : la Ville du Lac, plus connue sous les noms d’Esgaroth ou Lacville. Bofri, toujours réjoui de son précieux Bâton du Gardien retrouvé, rayonnait d’une satisfaction non dissimulée. L’idée de la prochaine étape de leur mission, restaurer la Route des Nains, alimentait ses espoirs.
Arrivée à Esgaroth
Le 25 avril, après quelques jours de navigation paisible, les tours et les pontons d’Esgaroth se dessinèrent à l’horizon. Les quais, pleins de vie et de cris marchands, accueillaient un ballet incessant de cargaisons, de navires et de voyageurs venus des quatre coins des terres libres. Les compagnons prêtèrent main-forte à Gwina pour le déchargement des marchandises avant de s’enfoncer dans les ruelles animées de la ville flottante.
C’est au détour de ces quais grouillants qu’Elyrielle reconnut un groupe de nains, parmi lesquels se tenait son vieil ami Grimur Barbe-Noire. Après une chaleureuse salutation, l’un des compagnons de Bofri leur expliqua que la restauration de la Route des Nains devait impérativement commencer avant l’automne. Mais avant cela, Bofri était attendu à Erebor pour une audience auprès du roi Daïn Pied d’Acier.
Après de rapides adieux, Bofri quitta donc le groupe, non sans promettre de les recontacter en temps voulu pour entamer ensemble les travaux sur la route ancestrale. Grimur, lui, choisit de rester auprès des aventuriers, trouvant en eux des alliés de valeur pour la suite de cette aventure.
Des ombres dans la ville
La ville bourdonnait de rumeurs, et les aventuriers sentaient planer autour d’eux une menace sourde. En interrogeant un jeune enfant joueur, contre quelques pièces, ils apprirent que les mystérieux hommes en noir qui les traquaient depuis longtemps étaient présents à Esgaroth. L’enfant leur confia, tout excité, que ces hommes rôdaient sur les quais, posant de nombreuses questions à leur sujet. Un docker aurait même été violemment frappé après avoir refusé de répondre.
Premières pistes d’enquête
Décidés à faire la lumière sur cette présence inquiétante, les aventuriers partirent à la recherche du docker ainsi qu’à la rencontre du maître du port. Ce dernier confirma avoir vu un homme des bois nommé Bulfric, actuellement logé à l’auberge du Goujon Scintillant. Lui aussi avait été approché par les hommes en noir.
Sur le chemin de l’auberge, le groupe fit un détour par le marché. C’est là que Turgon remarqua un marchand à la criée, dont le slogan intrigant était : « Un souvenir de trop ? Pas chez Carlo ! » sans doute un vendeur de bibelots destinés à faire oublier les mauvaises expériences.
Chez l’apothicaire, Morwen et Elyrielle achetèrent quelques ingrédients et fioles pour renforcer leur nécessaire médical.
Puis, Turgon fut abordé par un marchand nommé Elorin, qui manifesta un vif intérêt pour son bracelet de frêne, visiblement unique en son genre. Intrigué, Elorin leur proposa de revenir le voir le lendemain pour en discuter plus longuement.
Les nouvelles d’Esgaroth
Pendant leurs emplettes, Elyrielle acquit le troisième numéro de la Gazette d’Esgaroth. Les nouvelles y étaient variées :
- Une nouvelle taxe controversée sur les filets de pêche,
- L’annulation inattendue d’un tournoi de tir,
- Un ours géant aperçu près du Sentier des Elfes dans la Forêt Noire, se dirigeant vers le nord.
Mais c’est dans les petites annonces que le groupe trouva un élément bien plus intriguant : un rendez-vous fixé au quai des bouchers peu après minuit, publié par une personne qui affirmait se sentir suivie.
Une nouvelle énigme à résoudre
Ce mystérieux message piqua aussitôt la curiosité des aventuriers. S’agissait-il d’un piège ? D’une opportunité pour glaner des informations sur leurs poursuivants en noir ? Ou d’un piège déguisé, tendu justement pour les attirer dans un guet-apens nocturne ?
Quoi qu’il en soit, l’ombre des hommes en noir semblait s’épaissir autour d’eux. La ville d’Esgaroth, si vibrante en apparence, cachait désormais bien des secrets. Et la nuit qui s’annonçait pourrait, une fois encore, mettre à l’épreuve la ruse et le courage des quatre compagnons.
L’auberge du Goujon Scintillant
L’auberge du Goujon Scintillant résonnait de chants, de cris et de rires. L’établissement était bondé, étouffant sous l’effervescence de la foule. À peine entrés, les aventuriers durent se frayer un chemin parmi les clients avinés.
Un groupe de nains, joyeusement éméchés, leur bloquait l’accès au comptoir, entonnant des chants gutturaux en tapant du poing sur les tables. Elyrielle, faisant preuve de souplesse et de diplomatie, se lança dans une chanson entraînante. D’un pas léger, elle entama une danse improvisée qui attira immédiatement l’attention des nains. Séduits par sa voix et ses mouvements, les nains se mirent à battre la mesure en rythme avec elle, créant une ouverture suffisante pour que le groupe puisse avancer.
Mais à peine la voie dégagée qu’un nouveau barrage se forma. Cette fois, c’était un groupe d’elfes, vêtus de riches habits, manifestement peu enclins à la plaisanterie. Pour une raison obscure, les tensions montèrent brusquement. Peut-être un regard mal interprété, peut-être un mot de travers. Toujours est-il que les poings finirent par parler. La bagarre éclata sans avertissement.
Un coup rapide et puissant mit Elyrielle hors de combat dès les premiers échanges, mais ses compagnons, bien entraînés aux situations chaotiques, tinrent bon. Erestor, Turgon et Morwen ripostèrent efficacement, prenant rapidement le dessus sur leurs adversaires elfes, qui finirent par battre en retraite sous les huées de quelques témoins amusés.
L’enquête
Enfin arrivés au comptoir, les aventuriers purent s’adresser à l’aubergiste. L’homme, soucieux et réservé, leur confirma qu’il connaissait bien l’homme qu’ils recherchaient. Il ne s’appelait pas Bulfric comme ils le pensaient, mais Belfrir, un homme des bois. C’était lui qui possédait le heaume que Cegwyn leur avait demandé de ramener plusieurs semaines auparavant.
Cependant, Belfrir n’était pas là. L’aubergiste indiqua sa chambre au premier étage. Le groupe gravit rapidement les escaliers et ouvrit prudemment la porte de la chambre numéro 21. À l’intérieur, la scène parlait d’elle-même : des traces de lutte, du sang séché au sol, une fenêtre brisée et le désordre d’un départ précipité.
Fouillant minutieusement la pièce, ils découvrirent dans un petit coffre un reçu nain attestant de la fabrication du fameux heaume. En inspectant le coffre de plus près, Elyrielle repéra un double fond dissimulé sous un des compartiments. À l’intérieur, un parchemin plié en deux.
Le premier message, griffonné à la hâte, laissait peu de doutes sur la gravité de la situation :
« Je me sens menacé. Les mercenaires promis par Cegwyn ne sont pas arrivés. Je suis suivi. Je ne fais confiance à personne sauf à l’aubergiste. Le Heaume est caché. »
En dessous, un second texte bien plus énigmatique était écrit :
« Là où les murs murmurent les noms oubliés,
Où même la lumière hésite à entrer,
Cherchez la pierre fendue, sous l’anneau rouillé,
Là dort ce que j’ai juré de laisser enfermé. »
En plus petit, on pouvait lire :
« Mais attention : certains gardent les clefs, d’autres les regards… et aucun n’aime les visiteurs. »
Ces lignes sibyllines faisaient naître mille hypothèses dans l’esprit des aventuriers. Tout indiquait que Belfrir avait dissimulé le heaume dans un lieu aussi mystérieux que périlleux.
Turgon, toujours prompt à explorer les abords, décida de sortir par la fenêtre éventrée. En contrebas, il aperçut une feuille de papier emportée par le vent, coincée sous une caisse. Il la récupéra avec précaution. Sur le papier, une simple lettre tracée avec soin : un grand H. Le même symbole qu’ils avaient déjà retrouvé à Dol Guldur des mois auparavant.
L’ombre de cette mystérieuse organisation semblait toujours s’étendre autour d’eux. Les hommes en noir, les disparitions, les embuscades… Tout cela n’était sans doute pas une coïncidence. La présence de ce H était un avertissement silencieux, mais lourd de sens.
À présent, ils devaient interpréter l’énigme laissée par Belfrir et localiser la cachette du heaume avant que leurs mystérieux poursuivants ne mettent la main dessus. Mais dans une ville comme Esgaroth, pleine de ruelles tortueuses, de caves oubliées et de légendes anciennes, chaque erreur de jugement pourrait leur coûter cher.
La nuit avait déjà bien avancé, mais les aventuriers savaient qu’ils n’avaient que peu de temps pour retrouver la piste de Belfrir et surtout du heaume disparu. Après avoir quitté la chambre saccagée de l’auberge, ils décidèrent de se rendre aux geôles de la ville, espérant y glaner des informations. Peut-être Belfrir y avait-il été conduit s’il avait été capturé.
Mais à leur arrivée, les grilles épaisses des geôles d’Esgaroth étaient closes. Aucun garde ne se tenait en faction à cette heure tardive. La prison semblait plongée dans un silence absolu. Après avoir tenté, sans succès, de faire venir un geôlier, ils se résignèrent à ne rien obtenir de ce côté-là pour l’instant.
Ne se laissant pas abattre, ils dirigèrent ensuite leurs pas vers l’hospice de la ville. Morwen espérait y obtenir du soutien ou des nouvelles. À leur entrée, un vieil homme les accueillit. Ses yeux fatigués se posèrent immédiatement sur le bâton que Morwen portait à la ceinture. Son regard se fit plus intense.
« Ce bâton… Voilà bien longtemps que je n’en ai pas vu de semblable, » murmura-t-il en le détaillant avec attention. Après un bref silence, il ajouta : « Revenez me voir dans quelques instants. Je vais faire quelques recherches. Peut-être trouverai-je des choses qui pourraient vous être utiles. »
Encouragés par cette piste inattendue, les aventuriers prirent congé. Il leur restait encore une dernière chose à accomplir cette nuit.
Le rendez-vous du quai des bouchers
Minuit approchait. Les ruelles sombres d’Esgaroth résonnaient du clapotis de l’eau et du grincement des coques de bateaux se balançant doucement le long des quais. Le vent, léger, apportait l’odeur familière du bois humide et des poissons frais.
Le groupe arriva discrètement près du quai des bouchers, à l’endroit indiqué par la mystérieuse annonce trouvée plus tôt dans la gazette. La lueur de quelques lanternes vacillait au loin, dessinant des ombres étirées sur les pontons de bois.
Turgon, en éclaireur, fut le premier à distinguer une silhouette solitaire, debout à quelques pas. L’homme semblait attendre, jetant régulièrement des regards inquiets autour de lui. Après un bref échange de signes convenus avec ses compagnons restés en retrait, Turgon s’avança.
« C’est vous qui avez laissé l’annonce ? » demanda-t-il à voix basse.
L’homme acquiesça rapidement et lui fit signe de le suivre jusqu’à un petit bateau amarré. Méfiant mais curieux, Turgon pénétra à l’intérieur, suivi de ses compagnons.
Mais à peine avaient-ils mis un pied à bord que des silhouettes surgissaient de l’ombre. Des hommes en noir. L’embuscade était en place.
Sans perdre un instant, les aventuriers réagirent. Turgon, ligoté dans le bateau, s’efforçait de se libérer mais les liens résistaient à ses efforts. Erestor, d’une précision redoutable, décocha une flèche en direction d’un assaillant qui s’élançait sur Grimur. Ce dernier, hache au poing, se jeta furieusement dans la mêlée aux côtés d’Elyrielle, qui frappait avec une rapidité féroce. Morwen, profitant de l’avantage pris par ses compagnons, sortit le grand jeu et acheva les adversaires déjà sérieusement affaiblis. Le combat fut bref mais intense dans l’espace confiné des quais. Les hommes en noir, malgré leur habileté, furent rapidement neutralisés face à la détermination implacable du groupe.
Le calme retomba. L’écho de la confrontation se perdit sur les eaux silencieuses du lac.
Fouillant soigneusement les corps et le bateau à la recherche d’indices, les compagnons n’y découvrirent rien. Aucun signe distinctif, aucun document, aucun élément permettant d’identifier qui les avait envoyés, ni pourquoi.
Cette organisation, représentée à plusieurs reprises par cette mystérieuse initiale « H », restait insaisissable, toujours aussi énigmatique et dangereuse.
Retour à l’auberge
Épuisés par cette journée et cette nuit mouvementées, les aventuriers retournèrent à l’auberge du Goujon Scintillant. Les derniers clients avinés quittaient lentement les lieux, et l’atmosphère pesante de la salle commune contrastait avec le tumulte de quelques heures plus tôt. Cette fois, personne ne bloquait leur chemin.
Ils gagnèrent leurs chambres, conscients que cette étrange traque à Esgaroth ne faisait que commencer. Demain, ils devraient retourner à l’hospice pour découvrir ce que le vieil homme aurait trouvé sur le bâton de Morwen. Et surtout, ils devaient élucider cette énigme laissée par Belfrir pour retrouver le heaume caché.
Car dans l’ombre, les hommes en noir, même vaincus pour l’instant, rôdaient toujours.