Le vent du matin soufflait faiblement sur les quais d’Esgaroth, agitant les voiles des bateaux au repos. Les planches de bois résonnaient sous les pas des aventuriers, encore trempées du sang du combat nocturne. Les corps des hommes en noir jonchaient le quai, inertes. Erestor, toujours en alerte, aperçut une silhouette s’éloignant dans les ombres. Un petit objet échappa à la poche de l’individu et roula jusqu’à lui.
Il le ramassa : une balle de bois sculptée, gravée de fines runes. Turgon s’en saisit à son tour. Il lut à voix basse : « Un sourire de trop, pas chez Carlo ».
Un frisson parcourut le groupe. Ce slogan leur était familier : ils l’avaient entendu au marché, crié par un marchand au ton jovial. Carlo. Un nom qui allait bientôt prendre un tout autre sens.
Pour éviter d’éveiller l’attention, les aventuriers traînèrent les corps et les dissimulèrent dans un bateau abandonné… celui de Carlo. Ce dernier, présent non loin, sembla comprendre immédiatement la situation. Il détourna l’attention des rares passants matinaux, leur servant à voix haute une histoire d’exercice d’embarquement ou de cargaison renversée. Il jouait double jeu… mais à ce moment-là, cela les arrangeait.
La compétition culinaire
Le lendemain matin, les rues d’Esgaroth reprenaient leur tumulte habituel. Pour se fondre dans la vie locale et récupérer de la tension de la veille, Morwen et Erestor décidèrent de s’inscrire au concours culinaire hebdomadaire.
Si Morwen, passionnée par la cuisine, espérait secrètement impressionner les jurés, la réalité fut tout autre. Son plat, un ragoût de haricots forestiers aux herbes médicinales, ne convainquit guère. Le vainqueur fut Anton, un chef local à la réputation bien établie, qui l’emporta haut la main. Morwen termina bonne dernière, battue de plate couture. Erestor, lui, n’en parlait pas.
Enquête aux geôles
De retour aux affaires sérieuses, les compagnons se rendirent aux geôles d’Esgaroth, cette fois ouvertes. Turgon entra le premier et interrogea les prisonniers. Après quelques échanges discrets, l’un d’eux avoua que le casque que les héros cherchaient n’était plus dans la cache mentionnée par Belfrir. Des hommes vêtus de noir étaient venus, avaient fouillé la pièce et étaient repartis précipitamment… vers l’embarcadère.
Retour à l’embarcadère et infiltration
Le groupe se hâta vers les quais. Là-bas, plusieurs hommes en noir chargeaient des caisses sur un navire prêt à lever l’ancre. Et au milieu d’eux, impassible, commandant la manœuvre avec autorité, se trouvait Carlo.
Le traître.
Le même Carlo qui, la veille, s’était fait passer pour un marchand bonhomme.
Sur le pont, un homme était ligoté, maltraité, visiblement prisonnier.
L’idée d’une infiltration émergea rapidement. Elyrielle et Turgon demandèrent à Grimur, leur fidèle allié nain, de se cacher dans l’une des caisses encore au sol. En se faisant passer pour des membres de l’équipage, ils réussirent à déposer la caisse sur le pont du navire.
Turgon tenta de profiter de l’effet de surprise pour pousser Carlo par-dessus bord… mais le rusé marchand esquiva et hurla :
« Traîtres ! Attrapez-les ! »
Le combat éclata aussitôt.
La chute de Carlo
Grimur jaillit de sa caisse avec un rugissement et un regard furibond. Un instant désorienté, il repéra Carlo et, avec l’aide d’Elyrielle, se rua sur lui. Sa hache fendit l’air et s’abattit avec puissance. Le traître n’eut pas le temps de répliquer : Carlo s’effondra, touché en plein torse.
Autour d’eux, le combat faisait rage, mais les hommes en noir, surpris et mal préparés, furent rapidement défaits par les aventuriers, unis et efficaces.
L’ouverture des caisses
Une fois le pont sécurisé, les aventuriers commencèrent à fouiller les nombreuses caisses. Ils cherchaient le heaume disparu. Dans leur empressement, ils ouvrirent d’abord la plus grande.
À l’intérieur… ce n’était pas le heaume.
C’était une créature de cauchemar, enfermée, enchaînée, et désormais libérée : une Terreur Noire, un être issu des ombres profondes de l’Ombre.
La température chuta brusquement.
Un silence angoissant précéda l’horreur. D’un cri guttural, la créature se déploya et s’éleva sur le pont, ses membres difformes et son aura oppressante glaçant le sang des plus braves.
La fuite stratégique
Le combat fut immédiat, mais déséquilibré. La peur saisit Morwen. Elyrielle, repoussée par un coup d’aura, fut projetée contre le mât. Turgon tenta de percer la créature mais son épée sembla ne trancher que de l’ombre.
Erestor fit reculer le groupe en criant :
« On ne peut pas la vaincre ici ! Il faut récupérer le casque et fuir ! »
Grimur hurla de rage, mais comprit. Ce n’était pas une bataille à remporter.
Dans la confusion, ils localisèrent enfin la caisse correcte. Morwen l’ouvrit et, au milieu d’un tissu épais, trouva le Heaume des Gardiens, intact.
Turgon lança une corde, Erestor aida Elyrielle à se relever. Le groupe bondit du navire pour regagner le quai tandis que la créature hurlait derrière eux.
Ils fuyaient, certes, mais avec ce qu’ils étaient venus chercher.
Et parfois, la survie est la seule victoire possible.