Journal d’un long voyage – Livre IV – Chapitre 2 – L’épreuve du Moulin Perdu

Journal d’un long voyage – Livre IV – Chapitre 2 – L’épreuve du Moulin Perdu

Le soleil perçait timidement les frondaisons lorsque nos quatre compagnons, accompagnés du nain Bofri, avaient quitté le village portuaire où leur navire attendait patiemment ses réparations. L’atmosphère était légère. Cinq jours devant eux. Cinq jours pour accomplir une mission qui, à leurs yeux, semblait presque simple : retrouver un bâton magique dissimulé dans un moulin fortifié. Le genre de mission qui, d’ordinaire, dégénère rarement. Du moins, c’est ce qu’ils espéraient.

La Route des Nains

La première partie du voyage s’effectua sur l’antique Route des Nains. Large, régulière, elle s’étendait sous la lumière dorée du printemps, bordée de majestueux arbres plantés là des siècles plus tôt, lorsque les artisans de Durin avaient voulu laisser une trace éternelle de leur savoir-faire. Chaque pavé semblait à sa place, ajusté avec une précision que seuls les Nains pouvaient atteindre.

Bofri marchait à l’avant, le visage illuminé par la beauté du chemin ancestral. Il caressait parfois les pierres du bout des doigts, comme pour communier avec la mémoire de ses ancêtres. Morwen, de son côté, s’émerveillait des plantes comestibles bordant le chemin. Elyrielle s’était rapidement éloignée dans les sous-bois, profitant de la moindre pause pour repérer les champignons les plus rares, tandis qu’Erestor et Turgon gardaient un œil vigilant sur les environs.

Les Premiers Signes du Changement

Après plusieurs kilomètres, ils tombèrent sur une borne naine couverte d’inscriptions. Le savoir d’Erestor permit de déchiffrer quelques indications évoquant des fortifications et un ancien moulin. Soudain, la route parfaite se transforma : les pavés se firent rares, engloutis peu à peu par la végétation luxuriante. La lumière décroissait à mesure qu’ils pénétraient dans les profondeurs de la forêt.

Une deuxième borne confirma qu’ils étaient encore sur le bon chemin. La discipline naine semblait régner jusque dans l’organisation de ces anciennes voies, même enfouies sous la mousse.

La Clairière des Toiles

Après quelques heures d’effort dans un sentier devenu étroit et sinueux, les aventuriers débouchèrent sur une large clairière. Au centre trônait un vieil arbre gigantesque, ses branches épaisses alourdies par des rideaux de toiles d’araignées. L’endroit semblait figé dans le temps.

Soudain, deux silhouettes humaines surgirent des ombres. Torse nu, armés de simples massues, ils s’exprimaient dans un langage proche du commun mais déformé, comme une version corrompue. À peine le temps de les observer que d’autres créatures firent leur entrée : d’énormes araignées aux pattes velues s’avançaient lentement.

Sans perdre de temps, Elyrielle décocha une flèche enflammée vers les toiles, propageant rapidement un brasier qui fit reculer les créatures. Un combat chaotique s’engagea. Tandis qu’Erestor et Turgon affrontaient les humanoïdes, Morwen veillait à maintenir les flammes sous contrôle. Les araignées tentèrent une dernière attaque avant d’être consumées par les flammes ou fauchées par les lames des compagnons.

Le Drame de la Rivière

L’affrontement terminé, ils s’installèrent à proximité d’une rivière pour un bivouac bien mérité. Bofri s’en approcha pour se rafraîchir, mais à peine avait-il touché l’eau qu’il fut soudainement pris de convulsions. Son regard devint vide, dément. Dans un cri, il trébucha et chuta dans le courant tumultueux.

Erestor et Turgon se précipitèrent, mais les rives, traîtres et glissantes, ne leur offrirent aucune prise. Bofri disparut en aval, emporté par les eaux sombres de la forêt. Le groupe resta un moment figé, impuissant.

La Rencontre des Orofalë

Décidant de ne pas abandonner l’espoir, ils cherchèrent un nouveau campement. C’est lors de cette reconnaissance que Turgon aperçut au loin un groupe d’individus. Silencieux comme l’ombre, il tenta une approche discrète, mais fut rapidement repéré.

Un elfe élégant s’avança calmement vers lui. « Vous n’étiez pas invisible, humain. »

L’elfe se présenta comme un membre d’une patrouille orofalë, des chasseurs errants qui arpentaient les confins de la forêt pour traquer les créatures de l’Ombre. Ils venaient tout juste d’éliminer un loup géant qui terrorisait la région. L’elfe invita le groupe à passer la nuit sous leur protection.

Autour du feu elfique, les cœurs étaient lourds, mais l’hospitalité des orofalë apporta un réconfort inattendu. Leurs chants anciens résonnaient dans les frondaisons, contrastant avec l’angoisse de la perte de Bofri.

Au matin, l’Espoir fragile

La lueur de l’aube filtrait à travers les feuillages lorsque les compagnons reprirent leur route. L’inquiétude pour Bofri restait vive, mais la mission du bâton des Gardiens n’était pas encore achevée. Ce moulin fortifié perdu au cœur de la forêt les attendait toujours.

La Forêt Noire, impénétrable et pleine de secrets, n’avait pas encore dit son dernier mot.